Agriculture urbaine, quels enjeux de durabilité ?
Nombreux sont nos adhérents qui réfléchissent aux solutions pour intégrer l’agriculture urbaine dans les projets qu’ils développent : utilisation d’espaces non urbanisés, création de jardins partagés, incitation à la culture dans les parcelles privatives.
Nombreuses sont également les communes qui entendent réserver des espaces à vocation maraichère au cœur du tissu communal ou qui réfléchissent à des solutions de renaturation de parties importantes de leurs territoires.
Nous avons voulu faire le point sur cette question au cœur des enjeux de santé et d’alimentation.
Cette enquête de l’ADEME de 2017 nous a semblé pertinente et concrète : nous le soumettons à votre jugement.
En voici quelques extraits :
L’agriculture urbaine peut être complémentaire à l’agriculture rurale par son rôle pédagogique permettant aux consommateurs de se réapproprier la phase de production de l’alimentation, d’avoir accès à des produits locaux et de modifier leurs régimes alimentaires en allant vers plus de durabilité.
Elle peut avoir un rôle dans l’économie circulaire et rendre des services écosystémiques sous certaines conditions, et participe également à l’émergence d’innovations sociétales favorisant la participation citoyenne.
Définition de l’agriculture urbaine
L’agriculture urbaine peut se définir comme tout acte maîtrisant le cycle végétal ou animal dans un but de production alimentaire ayant lieu en zone urbaine
Une agriculture freinée par l’étalement urbain…
Selon la SAFER, entre 1999 et 2008, il y a eu une augmentation de 22 % des surfaces des communes urbaines et de 43 % des surfaces des communes périurbaines. Entre 2006 et 2010, chaque année, 78 000 hectares de terres agricoles ont été consommés par l’urbanisation.
En 2014, on compte 5,1 millions d’ha artificialisés soit 9 % du territoire national, 28 millions d’ha de surfaces agricoles (sols cultivés et surfaces toujours en herbe) soit 51 %, et 22,8 millions d’ha d’espaces naturels (sols boisés, landes, friches…), soit 40 %.
En 30 ans les terres agricoles ont reculé de près de 7 % au profit de l’urbanisation. Mais, après un pic entre 2006 et 2008, cette tendance est à la baisse.
Les causes de l’étalement urbain sont principalement :
· Développement des infrastructures de transports (routes, chemin de fer, parking…)
· Augmentation de l’habitat individuel et de la population
· Accroissement de zones commerciales, industrielles, artisanales, logistiques et de loisirs
Les conséquences sont nombreuses :
· Recul des terres agricoles et érosion des sols
· Mitage des espaces naturels, agricoles et forestiers, et morcellement des activités agricoles
· Destruction des paysages, diminution du potentiel agronomique et de la biodiversité
· Conflits d’usage des sols et spéculation foncière
· Allongement des distances et notamment des déplacements domicile-travail
· Ségrégation et délitement du lien social
· Fragilisation de la ressource en eau et augmentation des pollutions de l’air et des sols
· Problèmes de cohabitation des usages agricoles et non-agricoles (odeurs d’épandage, circulation de tracteurs, vandalisme et vol)
- …mais qui répond à une demande des consommateurs, …
L’agriculture périurbaine, grâce à sa proximité avec d’importants bassins de consommateurs, peut vendre une partie de sa production en circuits de proximité répondant à la demande des consommateurs de manger des produits locaux et frais. Les coûts de distribution et de livraison peuvent être ainsi réduits.
- …profite de la proximité de la ville…
Les agriculteurs périurbains sont aussi avantagés et peuvent améliorer leur qualité de vie grâce à la proximité des services et des loisirs, et aussi par la possibilité de travailler en dehors de la ferme pour diversifier les sources de revenus. Pour les filières agricoles, notamment maraîchère et horticole, la ville est un important bassin de main d’œuvre et la distribution de la marchandise est facilitée par des réseaux de transport performant
- …et peut contribuer à la qualité de vie locale.
L’agriculture périurbaine qui utilise des pratiques respectueuses de l’environnement, apporte au territoire des bénéfices environnementaux et paysagers qui contribuent à la qualité de vie locale tels que la lutte contre l’érosion des sols par le maintien d’un couvert végétal ou la préservation de la biodiversité.
La proximité de la ville rend possible une agriculture multifonctionnelle plus proche des consommateurs en développant par exemple, les circuits-courts et la vente directe, des activités touristiques et de loisirs, des services pédagogiques.
Agriculture urbaine individuelle
On retrouve dans cette catégorie toutes les démarches individuelles qui visent à une production alimentaire sur des espaces appartenant ou loués par l’usager comme les potagers privés, le jardinage sur balcons ou encore les poulaillers privés.
Les objectifs peuvent être récréatifs, le jardinage étant considéré comme un moment de loisirs, mais aussi productifs avec l’ambition de substituer ses achats de légumes et d’œufs par sa production personnelle.
Les enjeux concernant les impacts environnementaux (pollutions, changement climatique)
Des potagers plus ou moins fertiles…
Les sols des jardins potagers peuvent présenter une fertilité supérieure à celle des sols agricoles et que les terres de jardins potagers présentent une qualité biologique proche de celle des terres de forêts.
…qui nourrissent les jardiniers.
Le potentiel nourricier est très variable selon les jardiniers, leurs compétences, le temps qu’ils y consacrent, le terrain dont ils disposent. Cela peut aller du simple loisir avec de très faibles rendements à l’autosuffisance en légumes et en œufs pour certaines familles.
On observe une moyenne de 1.5kg de restes alimentaires mangés par une poule par semaine, qui peut donc en théorie manger 100 kg de déchets par an. Les poules permettent de fournir les ménages en œufs (environ 5 œufs par poule par semaine), ce qui permet des économies pour le panier alimentaire. Des économies que l’on retrouve également dans le traitement des déchets. Les poulaillers sont mis en place par certaines collectivités territoriales dans le cadre de la réduction des déchets.
Agriculture urbaine servicielle
Rentrent dans cette catégorie les projets utilisant des techniques agricoles ou d’élevage à des fins d’aménagement et de gestion de l’espace public ou privé, mises en place par des collectivités territoriales ou des entreprises. L’AU servicielle intègre les actions de végétalisation productive comme les vergers ou la vigne dans les parcs et les rues, l’éco-pâturage pour entretenir les espaces publics et privés, ou encore la mise en place de ruches pour améliorer la pollinisation.
Une nouvelle place pour l’animal en ville…
L’éco-pâturage et les poulaillers permettent une requalification de la présence de l’animal, qui retrouve de nouvelles fonctions utilitaires et permet à une partie de la population de redécouvrir ce type d’animaux
… permettant la sauvegarde de races domestiques en voie de disparition…
Les races domestiques locales et rustiques, souvent abandonnées par l’élevage traditionnel, ont de bonnes capacités d’adaptation et sont résistantes aux conditions climatiques. L’éco-pâturage et les poulaillers sont donc particulièrement propices à l’utilisation de races locales qui retrouvent ainsi un regain d’intérêt et voient ainsi augmenter leur cheptel.
…mais des gains sociaux et économiques.
Lorsque l’éco-pâturage est mis en place dans des zones proches des habitants, elles deviennent des lieux récréatifs, où les gens vont se balader et sont plus enclins à parler ensemble. Les collectivités peuvent être amenées à proposer des moments conviviaux autour des animaux lors des transhumances ou de la tonte par exemple, renforçant les liens sociaux générés par cette pratique. La santé des techniciens des espaces verts est améliorée en limitant les troubles musculo-squelettiques.
Conclusion
L’agriculture urbaine fait l’objet d’un engouement mondial mais il est important de la replacer dans notre contexte français qui est distinct d’autres pays occidentaux. A l’inverse de pays asiatiques qui ont peu de terres agricoles (Singapour) ou qui ont subi des catastrophes les endommageant (le nucléaire au Japon), la France dispose de surfaces agricoles pouvant répondre à sa consommation que ce soit en quantité et en qualité.
Pour nourrir la population française, l’enjeu le plus important est de maintenir ces surfaces face à l’urbanisation grandissante, d’améliorer la durabilité de l’agriculture périurbaine et rurale en encourageant les pratiques agroécologiques et en favorisant la relocalisation de l’alimentation.
L’agriculture urbaine peut être complémentaire par son rôle pédagogique permettant aux consommateurs de se réapproprier la phase de production de l’alimentation et d’avoir accès à des produits locaux mais ne doit pas être considérée comme la solution miracle et durable pour nourrir les citadins.
Elle peut dans une certaine mesure participer à l’approvisionnement de denrées périssables tels que légumes et petits fruits,
Elle peut aussi avoir un rôle éducatif vers un « manger sain » et rendre des services écosystémiques sous certaines conditions (gestion des eaux pluviales urbaines, lutte contre les ilots de chaleur urbains).
L’agriculture doit trouver sa place dans l’urbanisme, tout comme les projets d’urbanisme doivent réussir à intégrer de l’agriculture.